2023 : une bonne année pour acheter ou vendre une entreprise?

Anne Dugal Ferron


Article rédigé par notre experte Anne Dugal-Ferron, MBA, CPA, co-fondatrice de LaVitrine.

Anne Dugal-Ferron est cofondatrice de LaVitrine.biz, firme spécialisée en vente d’entreprise, qui a choisi de combiner l’efficience du web et l’expertise des CPA afin d’optimiser les démarches d’achat et de vente d’entreprise. Depuis 2019, elle accompagne ses clients entrepreneurs dans le processus de vente, de la recherche du meilleur acheteur à la conclusion de la transaction. En 2022, ce sont 15 entreprises qui ont trouvé leur relève et été vendues grâce à LaVitrine.

Cette question revient invariablement au début de chaque année, lorsque les entrepreneurs font le point sur l’année qui vient de se terminer et priorisent leurs projets pour la nouvelle.

À quoi ressemblera le marché de l’achat et de la vente d’entreprise en 2023? Voici mes prédictions.

Contexte économique

Depuis de nombreuses années, les études économiques (comme l’Indice entrepreneurial québécois et les publications de la BDC) nous annoncent une immense vague de transferts d’entreprises, qui tarde toutefois à se concrétiser. 

Après la pénurie de main-d’œuvre et la pandémie de la Covid-19, c’est maintenant au tour de la hausse des taux d’intérêt et de l’éventuelle récession à venir d’être sur toutes les lèvres et, certainement, de créer des doutes dans l’esprit des vendeurs comme des acheteurs.

Après un ralentissement important en 2020, le marché de l’achat et de la vente a rebondi et atteint des records en termes de multiples (c’est-à-dire le facteur utilisé pour refléter le risque d’une entreprise dans le calcul de sa valeur). On sent un retour à la normale depuis le début de 2022, qui se reflète tant dans les valeurs des sociétés publiques que privées et les ramène à un niveau plus normal.

Du côté du financement, les rendements exigés par tous les créanciers ont fait l’objet de hausses. Le taux sans risque est passé de 1,70 à 3,15% en un an. En ce moment, les prêts octroyés par les banques actuellement pour l’achat d’entreprises portent intérêt à des taux qui varient entre 8 et 11%. Du côté des prêteurs privés, les taux se situent davantage entre 12 et 18%. En parallèle, on remarque une plus grande prudence de la part des banquiers dans l’analyse et l’autorisation des dossiers.

Portrait actuel du marché de l’achat et de la vente de PME au Québec

Malgré les nombreuses hausses des taux d’intérêts et la possibilité d’une récession prochaine, le début de 2023, tout comme le dernier trimestre de 2022, est très vigoureux en termes de transactions. Alors qu’on pourrait s’attendre à un ralentissement, le marché présente une accélération. Les courtiers et professionnels qui y travaillent s’entendent pour dire que les transactions sont en hausse et que le pipeline est bien rempli.

Les acheteurs sérieux et motivés sont nombreux. Plusieurs sont à la recherche d’opportunités d’acquisition depuis un bout de temps, disposent de fonds à la hauteur de leurs ambitions et ont hâte de réaliser une transaction.

On peut dire que l’avantage est pour le moment du côté du vendeur pour les entreprises rentables, présentant une saine structure financière et œuvrant dans des secteurs stables ou prometteurs. Nous constatons une demande forte pour ces entreprises et sommes généralement en mesure d’obtenir plusieurs offres intéressantes dans les semaines suivant la présentation de l’une de ces entreprises sur le marché. Pour les acheteurs, cela signifie qu’une bonne préparation est primordiale pour ne pas passer à côté d’une belle opportunité.

Pour les transactions débutées en 2022, nous n’avons pas vécu de renégociation des termes due à la hausse des taux d’intérêts ou aux perspectives économiques. Les acheteurs et leurs partenaires ont su s’ajuster pour faire face aux nouveaux paramètres et honorer leurs engagements.

Impacts sur les transactions à venir

Comme dans l’évaluation de tout investissement, les deux paramètres de base sont le risque et le rendement.

Une entreprise qui a su démontrer sa résilience en demeurant stable ou en réussissant une croissance malgré les épreuves des dernières années présente un niveau de risque modéré. L’appétit des acheteurs pour une entreprise dépend toutefois fortement de son secteur d’activité. Pour les entreprises risquant d’être plus fortement affectées par une récession, il faut s’attendre à un processus de vente plus ardu pour les prochaines années. Par exemple, une entreprise vendant des fournitures industrielles sera certainement plus facile à vendre qu’un concessionnaire de véhicules récréatifs, dont la popularité a diminué en flèche au cours des derniers mois.

Dans un contexte de ralentissement économique, l’heure est à l’optimisation et à l’efficience. Une stratégie d’acquisition peut avoir plusieurs avantages pour des acquéreurs stratégiques qui visent à améliorer le rendement global de leurs investissements. Par exemple, l’achat d’une entreprise peut donner accès à des talents ou des technologies difficiles à recruter ou développer, permettre des économies d’échelle ou encore réduire le risque global de l’entreprise en diversifiant son offre ou sa clientèle.

Dans tous les cas, l’importance de la rentabilité et des flux de trésorerie générés sera exacerbée, car les intérêts plus élevés créent une pression supplémentaire sur les liquidités.

Mes recommandations

Le timing parfait existe-il? Il y aura toujours des justifications variées pour ne pas mettre une entreprise sur le marché ou en acheter une. L’inertie est, selon moi, plus dangereuse pour l’entrepreneur que l’action raisonnée.

De nombreux propriétaires d’entreprises ont reporté leur projet de vendre pour différentes raisons, l’une des principales étant le besoin de passer à travers la pandémie en protégeant leur entreprise. Pour les vendeurs, mon principal conseil est de ne pas attendre d’être au bout du rouleau. La vente d’une entreprise est un processus fort demandant, tant au niveau du temps, de l’énergie et des émotions pour son propriétaire. En moyenne, il faut prévoir entre 6 mois et un an pour vendre une entreprise, sans compter le temps de transition à prévoir à la suite de la transaction afin d’assurer un bon transfert des connaissances et contacts au nouveau propriétaire. Débuter ce processus sans avoir de contrainte de vendre dans un certain délai permet une position de négociation beaucoup plus forte et certainement plus agréable, en plus de la flexibilité de choisir le bon acheteur pour prendre la relève de l’entreprise et non le premier intéressé.

Pour les acheteurs qui auront le courage de réaliser une acquisition en 2023, la clé du succès sera, selon moi, une analyse financière détaillée. En s’assurant que les prévisions financières de l’entreprise présentent une rentabilité suffisante pour assumer le financement requis pour son acquisition et générer les liquidités nécessaires pour investir dans son avenir, on peut être confiant d’investir. Si ce n’est pas le cas, voilà une belle occasion de négocier!

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