Démystifier les régimes d’intéressement à long terme



Ce texte est une synthèse des échanges du dîner-causerie en Interclub avec notre expert Bilal Khoder de PCI Rémunération Conseil du 10 mars 2022.

Les régimes d’intéressement à long terme (RILT) sont des outils puissants de motivation et de rétention des employé∙e∙s-clés des organisations. Sur un marché de recrutement extrêmement concurrentiel où les chasses de tête deviennent monnaie courante, il est devenu capital de solidifier la relation avec ses employé∙e∙s et de les fidéliser au mieux pour consolider la croissance à moyen terme de nos organisations.

Cependant, pour les non-initié∙e∙s la mise en œuvre d’un tel régime semble particulièrement complexe : quel·le·s employé∙e∙s intéresser? Sur quel terme? Sur quelle base de calculs? Le RILT est-il plus avantageux que l’actionnariat? Quels en sont les risques?

Bilal Khoder compte plus de 15 ans d’expérience en rémunération globale. Il est spécialiste en rémunération des haut∙e∙s-dirigeant∙e∙s et des employé∙e∙s-clés et a accompagné plusieurs centaines d’organisations pour établir des régimes incitatifs (bonification, commission, intéressement à long terme, etc.)

Il répond ici avec beaucoup de simplicité à ces questions complexes :

Un régime d’intéressement à long terme, qu’est-ce que c’est ?

Quoi?

Le RILT est la promesse de verser une somme d’argent à un∙e employé∙e à un terme décidé d’avance, selon l’atteinte de résultats financiers anticipés, en visant l’alignement des haut∙e∙s-dirigeant∙e∙s sur la stratégie et la performance de la société. C’est un régime dit «fantôme».

Il existe environ 12 types d’intéressement disponibles pour les PME dont 2 régimes à long terme qui sont de loin les plus populaires :

  • le droit à la plus-value de l’entreprise* (DPVE, stock option fantôme). 
  • Le partage de profit à long terme (plutôt populaire notamment dans l’industrie de la construction.)

* Nous détaillerons les avantages de ce régime plus bas.

À qui?

Ces régimes sont généralement réservés à la garde rapprochée du PDG et s’adressent souvent aux membres du comité de direction. Il peut également s’adresser à un∙e employé∙e clé qui serait décisif·ve dans la croissance de l’entreprise malgré qu’il ou elle n’occupe pas un poste de direction.

Pourquoi?

Dans les cas du RILT on vise 2 objectifs :

  • Motiver les employé∙e∙s car ils et elles retirent un intérêt aligné sur leur performance et la croissance de l’entreprise. Ils ressentent également la reconnaissance de leurs succès et de leur investissement professionnel dans l’entreprise. 
  • Retenir ces employé∙e∙s qui ne touchent la somme, en espèces, qu’au terme de leur contrat d’intéressement. Plus on se rapproche du terme du RILT et plus les employé∙e∙s «laissent de l’argent sur la table» en quittant. Il devient alors peu probable qu’un compétiteur puisse concurrencer un RILT en proposant une simple augmentation de salaire.

La somme gagnée peut aussi représenter un avantage fiscal pour l’employé∙e si par exemple il est transféré dans son REER;  ou elle peut représenter une amorce à l’actionnariat à part entière si elle est convertie en un investissement en actions dans la compagnie. 

Pour l’employeur∙se, le RILT est un outil gagnant qui favorise la tranquillité d’esprit. La relation avec l’ employé∙e et ses bénéfices sont clarifiés et fixés sur le long terme sans dilution du capital-actions. On ne renégocie pas les termes d’un RILT annuellement ou à chaque pic d’inflation.

Pourquoi un RILT plutôt que d’ouvrir l’actionnariat aux employé∙e∙s?

Il existe bien sûr plusieurs cas qui peuvent faire pencher la balance des avantages dans l’une ou l’autre catégorie. En règle générale, le RILT s’avère une solution privilégiée car :

  • Les employé∙e∙s savent quand ils recevront la somme promise (contrairement à l’actionnariat) ce qui est plus satisfaisant notamment pour les plus jeunes générations.  
  • Les employé∙e∙s ont le sentiment de prendre moins de risques avec un RILT qu’avec l’actionnariat où ils doivent investir dans une entreprise qu’ils ne contrôlent pas. 
  • Les employeur∙se∙s gardent un meilleur contrôle sur leur entreprise. 
  • En cas de vente de l’entreprise, une clause de changement de contrôle peut être incluse dans le RILT : le pourcentage alloué à l’employé∙e sera calculé sur la valeur de la vente de l’entreprise plutôt que sur le BAIIA.

Combien ?

En règle générale, la somme proposée dans un RILT représente un pourcentage des projections de croissance de l’entreprise (et non sa valeur marchande à l’instant T) et correspond à plus ou moins un an de salaire de l’employé∙e-clé.

Sur quel terme?

Le RILT ne devrait pas être implanté pour moins de 3 ans ou plus de 5 ans. Dans le passé, le RILT pouvait aller jusqu’à 6 ou 7 ans, mais ce terme est devenu assez irréaliste selon le contexte actuel du marché du travail et d’inflation car les employé∙e∙s sont rarement aussi patients. L’idéal est de 4 ans. 

Une fois par année, on remet une lettre signée à l’employé∙e pour lui faire connaître la valeur de la somme qu’il recevra au terme du RILT. À chacun d’évaluer avant son terme (en général un an avant la fin du contrat) si et sous quelles conditions on souhaiterait renouveler le régime.

Le droit à la plus-value de l’entreprise 

La somme versée à l’employé∙e au terme du RILT est un pourcentage de l’appréciation de la valeur fictive de l’entreprise. On partage les prévisions de croissance avec l’employé∙e, la part d’une tarte qui grossit.  

Attention on parle ici de projections, de valeur fictive et non de la valeur marchande de l’entreprise. Ce pourcentage ne change donc pas dans le temps. 

Le RILT est très flexible et peut s’adapter aux spécificités de tous les types d’industrie ou tailles d’entreprise. On calcule souvent ce pourcentage sur le BAIIA (bénéfice avant intérêts et impôts), mais on pourrait selon les cas le calculer sur l’augmentation des heures chargeables, sur l’amélioration de la marge brute, sur les résultats d’une division de l’entreprise, etc. L’important est qu’il résulte de vos projections financières au bout de 4 ans.  

Le risque est ainsi partagé, car si au terme du régime l’entreprise n’a pas connu de croissance de son bénéfice, le pourcentage obtenu par l’employé sera nul. C’est un gage de performance pour l’entreprise et pour l’employé∙e.  

À noter que cette somme est calculée au prorata du temps travaillé dans l’entreprise dans le cycle du contrat à la valeur marchande de la compagnie à l’année fiscale précédente.

En résumé

Le régime d’intéressement de l’employé∙e à long terme est un outil de fidélisation et de motivation simple à mettre en place, peu coûteux, moins risqué et plus bénéficiable que l’actionnariat traditionnel pour l’employé∙e. De plus, il est revisité seulement aux 3 ou 4 ans.

Deux recommandations pour le mettre en œuvre dans votre entreprise :  

  • Bien ficeler sa rencontre kick-off avec les employé∙e∙s qu’on veut intéresser. 
  • Être transparent∙e et équitable avec les employé∙e∙s intéressés (et les autres éventuellement).