Vendre son entreprise et rester à la tête de son équipe, c’est le récent accomplissement de notre membre Danielle Béliveau, ex-présidente et aujourd’hui vice-présidente de Polyform. Si on entend souvent parler d’histoires de croissance glorieuses, les histoires de vente à succès se font plus rares. Pourtant, elles sont toutes aussi impressionnantes. À la tête de la compagnie fondée par son père où elle œuvre depuis plus de 30 ans, Danielle nous dévoile comment elle a pris la décision de vendre l’entreprise familiale, comment elle a dépassé un puissant sentiment de culpabilité pour ce faire et comment elle s’adapte à sa nouvelle posture de chef∙fe non-propriétaire.
Les débuts
Lorsqu’elle commence sa carrière, rien ne garantit à Danielle qu’elle prendra la relève de l’entreprise. Indépendante et ambitieuse, elle ne ressent de prime abord aucun intérêt à joindre les rangs de l’entreprise familiale, spécialisée dans la fabrication de produits de polystyrène et polypropène expansés. Elle obtient son bac en administration et gestion d’information des systèmes puis, après une autre expérience professionnelle, à la demande de son frère alors vice-président et directeur général, elle agit comme consultante interne et révise les processus et systèmes de gestion de Polyform. Elle intègre ensuite l’entreprise à temps plein et y devient rapidement contrôleuse financière, puis gestionnaire des départements de la finance, des ressources humaines et de l’informatique. « Ce n’est pas parce qu’on est l’enfant d’un entrepreneur qu’on fera nécessairement bien les choses. On doit gagner la confiance de l’équipe, avoir de la volonté et détenir un certain talent. » affirme la femme d’affaires. Forte de ces atouts, elle se dirige tout naturellement vers la présidence de l’entreprise, qui compte alors plus de 200 employé∙e∙s.
Chercher conseil aux bons endroits
Au fil des années, Danielle s’investit sur le plan stratégique et se questionne de plus en plus sur le plan de relève. Réalisant qu’aucun de ses fils n’est intéressé à reprendre l’entreprise, elle se tourne vers d’autres options. C’est lorsqu’elle pense à la possibilité de vendre que les émotions prennent le dessus. « Je sentais que j’abandonnais mon équipe. Après tout, ils travaillent avec moi depuis 30 ans! Et moi, pendant ce temps, je commençais à penser à mon plan de sortie… », se souvient-elle. Qui sera le repreneur? Danielle a une forte réticence à céder l’entreprise tant qu’elle ne sera pas certaine d’entre quelles mains elle le fera. Avec les autres actionnaires, elle entrevoit alors plusieurs scénarios, car elle appréhende de laisser ses employé∙e∙s à une compagnie étrangère, avec des valeurs distinctes, ou encore de les voir se faire licencier. Être membre d’EntreChefs PME représente alors un soutien inestimable pour la femme d’affaires.
« Mon club m’a amené à réaliser que ce n’est pas parce que je vends l’entreprise que j’abandonne les employés et que le fait de vendre est une option notable pour la pérennité de l’entreprise. Éventuellement, il y aurait forcément une fin pour moi à la tête de l’entreprise.»
Elle reconnaît que de s’entourer d’entrepreneur∙e∙s vivant eux et elles aussi cette étape au même moment l’a beaucoup aidée. Elle a pu leur parler ouvertement de ses questionnements et partager leur expérience pour prendre d’aussi importantes décisions.
Un tournant décisif vers un dénouement inespéré
Mars 2020 : la pandémie frappe à l’échelle mondiale. Comme beaucoup d’entreprises, l’onde de choc devient un élément décisif dans le cœur de Danielle. « J’ai réalisé que le groupe d’actionnaires n’avait plus la même vision et je n’avais plus le goût de continuer dans ces conditions, avec cette lourdeur sur les épaules», confie-t-elle. C’est alors qu’elle s’entoure d’une équipe spécialisée en fusion et acquisition pour trouver son successeur.
L’entrepreneure et ses actionnaires disposaient de critères précis pour dénicher un∙e acquéreur∙se à leur goût, mais rien ne pouvait garantir qu’elle et ils obtiendraient obtiendrait ce qu’elle et ils espéraient. Au terme d’un neuf mois plutôt stressant, une entente est conclue, qui satisfait toutes leurs attentes.
« Je voulais une entreprise de cœur. »
Polyform est rachetée par Polymos, un compétiteur québécois dont le fondateur était un ami de son père. Ils avaient même failli démarrer leur entreprise ensemble 55 ans auparavant! Valeurs similaires, bonne entente et un immense respect pour l’historique de Polyform… Aucun licenciement n’est opéré sur 200 employé∙e∙s du groupe! L’annonce a été accueillie de la meilleure façon qui soit par les employé∙e∙s, qui ont trouvé la décision excellente dans les circonstances. L’histoire d’amour des deux entreprises s’est soldée de la meilleure façon pour tous, permettant à Danielle de céder sans culpabilité. Polymos et Polyform forment maintenant un empire québécois du polystyrène, comme les fondateurs Béliveau et Bourbonnais en avaient eu la vision à leurs débuts.
Retrouver le plaisir comme entrepreneure
La pression, le rythme des prises de décision et les défis peuvent drainer les entrepreneur∙e∙s. La femme d’affaires nous confirme que pour elle, vendre et rester faisait beaucoup de sens pour sa transition et celle de l’entreprise. Nouvellement vice- présidente exécutive, elle apprécie la liberté de pouvoir abandonner certains aspects de son rôle et de participer à ceux qui la passionnent. « Ça fait drôle de passer de décider de tout à ne plus décider de rien. Mais je fais la paix en me disant que ça fait partie de la transition. Finalement, c’est libérateur de pouvoir me concentrer sur les projets choisis avec le Président, et même de mettre de côté ce que j’aimais moins. » Pourtant, au départ, Danielle s’inquiétait à savoir si elle pourrait garder un rôle qui l’animerait vraiment. « Je suis une personne d’action. J’aime que les choses avancent, prendre des décisions. C’était important pour moi de me sentir utile dans mon nouveau rôle. » Aujourd’hui, après 4 mois, Danielle continue à gérer le changement et la transition avec l’acquéreur. Ils se rencontrent plusieurs fois par semaine afin de partager les connaissances nécessaires à une reprise réussie. Elle s’implique dans le comité de direction, rassure et guide les employé∙e∙s lorsque nécessaire.
« Ceux qui réalisent cette démarche sans être accompagnés risquent de trouver cela difficile. On vit d’énormes émotions, ce qui n’est jamais optimal dans un processus de négociation. »
Danielle invite les entrepreneur∙e∙s préoccupé∙e∙s par ce type de décisions à s’entourer d’un club d’entrepreneur∙e∙s, ainsi que de consultant∙e∙s d’expérience. Ces deux éléments, qui ont fait toute la différence, lui ont permis d’écrire le nouveau chapitre de sa carrière.
Texte rédigé par Stéphanie Doucet.
Diplômée en administration avec concentration en finance, passionnée par le monde des affaires et de l’entrepreneuriat. Stéphanie s’intéresse particulièrement aux histoires et aux personnes derrière les entreprises qui impactent la société.
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