Dans l’univers des PME, la délégation s’impose souvent comme un véritable levier de croissance. Elle permet au dirigeant·e de prendre du recul pour affiner sa vision stratégique, de responsabiliser ses collaborateur·rice·s, de préparer la relève, d’améliorer le bien-être collectif et de se libérer des tâches opérationnelles afin de mieux piloter l’entreprise. Les raisons de déléguer sont donc multiples.
Pourtant, entre la théorie séduisante et la réalité du terrain, le fossé est parfois grand. Car déléguer, ce n’est pas simplement confier une tâche, c’est accepter de lâcher prise, de faire confiance, et de transformer sa posture de gestion.
Une étude du cabinet-conseil Gallup révèle que les entrepreneur·e·s qui savent bien déléguer génèrent en moyenne 33 % de chiffre d’affaires supplémentaire par rapport à ceux et celles qui délèguent peu.
Mieux encore, cette aptitude est associée à une croissance significative de l’entreprise. Mais comment y parvenir concrètement ?
Pour le découvrir, nous avons rencontré deux entrepreneur·e·s membres d’EntreChefs PME, qui ont accepté de partager leur parcours dans le cadre de la websérie L’envers, diffusée exclusivement dans la Zone membre.
Déléguer, un apprentissage qui transforme
Mitch Timmons, président de Snowdon Électriques, a longtemps eu du mal à déléguer. Chaque fois qu’il confiait une tâche, il la retrouvait souvent inachevée ou mal exécutée, ce qui le poussait à reprendre le travail lui-même. Frustré par ces expériences, il en était venu à croire qu’il valait mieux tout faire seul.
« Avant, quand je déléguais, j’étais souvent déçu, car le résultat ne correspondait pas à mes attentes. Alors, je préférais tout faire moi-même. »
Avec le temps, il a changé de perspective. Il a commencé à calculer le temps que lui prenaient certaines tâches, et à investir quelques heures pour bien former ses collègues. Cette approche lui a permis de libérer du temps et de responsabiliser son équipe.
« Je me suis rendu compte qu’une tâche me prenait deux heures, alors qu’une personne plus compétente la réalisait en vingt minutes, souvent avec un meilleur résultat », a-t-il confié.
En déléguant progressivement toutes ses tâches, Mitch a vu émerger une nouvelle dynamique dans son entreprise. Il a retrouvé du temps pour se concentrer sur la vision stratégique, tout en voyant ses collègues s’épanouir dans leurs responsabilités.
« Au fur et à mesure, j’ai délégué toutes les tâches que j’avais. Puis, en faisant ça, il y avait quelque chose de fun qui est arrivé. »
Structurer pour mieux transmettre
Martin Pageau, président-directeur général de Produits environnementaux Greensolv, voit la délégation comme une démarche structurée. Pour lui, il faut avoir fait soi-même une tâche avant de la déléguer, afin d’en saisir les détails et mieux la transmettre.
« C’est en complétant une tâche que l’on comprend ses pièges », a-t-il mentionné lors de nos échanges.
Pour structurer la délégation, Martin s’appuie sur des outils clés et des méthodes concrètes :
- La stratégie sur une page : un document synthétique qui aligne toute l’équipe sur la vision de l’entreprise.
- La réunion hebdomadaire : un moment structurant où toutes les tâches sont passées en revue, même en l’absence du dirigeant·e.
- Une liste de 350 à 400 tâches : l’entreprise a recensé entre 350 et 400 tâches, réparties par département (marketing, ventes, production et administration), dont environ 100 ont une récurrence trimestrielle ou annuelle.
- Un système de suivi rigoureux : un système de suivi rigoureux permet de garder chaque tâche visible jusqu’à son achèvement, garantissant une gestion continue et une transparence totale.
Ce système libère le chef·e d’entreprise de la gestion quotidienne tout en renforçant la responsabilisation des équipes.
Déléguer, c’est aussi se délester de la culpabilité
Derrière les outils et les processus, la délégation exige un travail sur soi. L’un des freins les plus fréquents est la culpabilité. L’article Stop Feeling Guilty About Delegating de Harvard Business Review distingue deux types de culpabilité :
- La culpabilité justifiée : elle survient lorsqu’on a réellement commis une erreur ou manqué à ses responsabilités. Elle peut être saine si elle pousse à corriger le tir.
- La culpabilité injustifiée : elle naît d’un sentiment de responsabilité mal placé, comme croire qu’on surcharge son équipe ou qu’on doit tout faire pour préserver leur bien-être.
Mais cette culpabilité, aussi humaine soit-elle, peut devenir un frein. Car déléguer, ce n’est pas se décharger : c’est faire confiance. C’est permettre à son équipe de grandir, de contribuer davantage, et de se sentir valorisée.
Voici quelques repères pour déléguer avec plus de sérénité, selon la même source :
- Acceptez l’inconfort initial : déléguer peut sembler risqué, mais c’est un investissement durable.
- Pratiquez l’autocompassion : des erreurs surviendront, mais elles sont normales et formatrices.
- Faites le tri dans vos tâches : déléguez ce qui peut l’être et éliminez ce qui n’a plus de valeur.
- Impliquez votre équipe : demandez-leur où vous êtes trop présent·e… ou pas assez.
- Protégez autrement : aidez vos collègues à prioriser, et filtrez les demandes externes non essentielles.
En fin de compte, la délégation permet au dirigeant·e de se recentrer sur sa mission première : piloter l’entreprise, inspirer ses équipes, anticiper les défis, etc. C’est aussi ce qui permet à l’organisation de devenir plus agile, plus résiliente, et plus humaine.
Les témoignages de Mitch Timmons et Martin Pageau nous rappellent que la délégation est un apprentissage, parfois inconfortable, mais toujours transformateur.
Pour aller plus loin
À travers L’envers, EntreChefs PME souhaite offrir à ses membres un véritable espace d’apprentissage, d’inspiration et de solidarité. Chaque mois, dans la Zone membre, découvrez une nouvelle thématique entrepreneuriale illustrée par le parcours unique d’un·e membre de la communauté.
Dans cet extrait vidéo consacré à la délégation, nos membres partagent avec authenticité leurs expériences, leurs défis et leurs réussites, pour vous inspirer et vous outiller dans votre propre parcours de dirigeant·e.
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